Torhout'92 : d'Extreme au Chili Peppers,
la grand-messe spongieuse du crotte'n'roll
Torhout 92, une �dition rendue �pique par la pluie
et le boue (alors qu'il faisait beau dimanche sur
Werchter), un public crott� mais aussi massif que
d'habitude, une affiche surabondante, mais, au
fond, de plus en plus conformes aux aspirations
flamandes et hollandaises.
rie et secoua la masse jusqu'�
ses confins.

Lou Reed, momie chantante

Quelques mots enfin de Lou
Reed
, hi�ratique au possible, le
Rascar Capac du rock, future
momie sacr�e au regard repti-
lien et masque impassible
(quand m�me deux petits souri-
res en une heure et quart !) : il
donna un concert sobre et sec,
encha�nant ses beaux morceaux
r�cent (" Rom�o & Juliette, "
" Magic and Loss ") � quelques
classiques claquants (" Vi-
cious ", " Sweet jane ", " Rock'n
roll ", " Walk on the wild
side ").

Lou Reed ou la joie d'�tre
triste, le bonheur d'�tre malheu-
reux, l'ineffable plaisir d'�tre d�-
pressif, fun�bre et cafardeux.

Au premier rang, deux petites
anglaises en dormaient de-
bouts; les autres �coutaient, at-
tentifs mais sceptiques. La sta-
tue chantante revint, apr�s une
heure, cigarette au bec, gaie
comme un m�tallo apr�s la
pause, ex�cuter quelques rap-
pels. " C'�tait merveilleux de
jouer pour vous ", lan�a Lou
Reed � la plaine avant de se reti-
rer et sans doute d'aller r�pan-
dre ailleurs sa fac�tieuse bonne
humeur...

Xavier
DISKEUVE

Il �tait un peu plus de 14 h, et il
drachait obstin�ment. Au des-
sus de la plaine de Torhout, il
n'y avait qu'un gros nuage,
mais �norme, couvrant tout le
site et que pas un gramme de
vent ne venait �vacuer. Autour,
le ciel �tait moins sombre ; on
apercevait m�me au loin des
�claircies. A croire qu'une mal�-
diction demeurait suspendue au
dessus des festivaliers, de plus
en plus embourb�.

Torhout sous la pluie, c'est la
grande'messe du crott'n'roll, l'in-
vitation � pique-niquer dans un
bourbier, � pogotter dans la
fange, c'est comme organiser
une fancy-fair au milieu des
fagnes, une surprise-party sur
un circuit de moto-cross. Cela
n'emp�che pas les juv�niles
homme-boue de s'adapter, de
b�coter dans un cocon de sac
poubelles, de s'asperger et de
faire des glissades, au terme
d'une joyeuse r�gression infan-
tile...

Les apaches poivr�s

Et la musique dans ce tin-
touin ? affiche rajeunie autour
de vieux briscards (Lou Reed,
Bryan Adams), le tout de plus en
plus ajust�s aux go�ts flamands
ou bataves (exemple-type,
" Crowded house ", chouchous
au Nord, d�daign�s au Sud).
Retenons d' " Extreme ",
groupe banalement hard que
son chanteur est une sorte de
Julien Clerc sexy et rajeuni ;
d' " Urban Squad dance ", tr�pi-
dant combo hollandais que son
chanteur grassouillet se d�-
mena � l'avant-sc�ne compl�te-
ment tremp�, un micro r�tro
coll� � la bouche; du minuscule
irlandais Luka Bloom, le
schtroumf folkeux, qu'il tint
seul, et avec un aplomb admira-
ble, la sc�ne pendant une demi-
heure ; des gentils n�oz�landais
de " Crowded House " qu'ils r�-
gal�rent le public d'une pyra-
mide humaine tr�s boy-scoute,
et que leur single " Weather
with you " (refrain : " emporte
toujours le temps avec toi "), fit
un malheur dans le contexte cli-
matique ambiant.

Imaginez un quator
d'apaches tatou� � qui on au-
rait livr� du whisky et des ins-
truments �lectriques et vous au-
rez une id�e des " Red Hot Chili
Peppers
", groupe am�ricain
d'aspect latinos, jouant funk,
fort et dur, torses nus dans un
halo de fumig�nes : les " poivres
rouges " sem�rent l'hyst�rie au
sein des premiers rangs. T�tes
d'affiche, il pr�c�daient l'ultime
Bryan Adams, canadien rugis-
sant dont le hard-pop ordinaire
mais efficace r�chauffa la prai-

Soixante mille fans dans la gadoue, et de l'eau sur la sc�ne, mais c'�tait quand m�me la f�te du rock, samedi et
dimanche.


L'avis de Bryan
et la m�moire
de Lou

60.000 tickets vendus, c'est le
chiffre record tant de Torhout
que de Werchter, sold out
depuis fin juin (50.000 par
journ�e seulement l'an dernier)

Ah gadoue... (air connu), c'est
le r�sultat de 120.000 pieds
foulant un ha d'herbe fra�che
pour en faire 15 cm de m�lasse
molle

O� sont les commodit� ? L�-
bas, tout au bout de la plaine.
Faut passer � travers les 60.000
ploucs et marcher dans la boue,
sans tomber...

Les Les WC VIP, par contre,
affichaient haut standing, avec
roulotte aux fen�tres garnies de
rideaux de satin, pour
accueuillir dignement dames en
heren...

Manu militari, c'�tait la seule
expression latine connue d'un
service d'ordre fort jeune, et
singuli�rement paniqueur

Humide en 90, ensoleill� en
91 : Torhout 93 devrait �tre
bronzant et d�coiffant

Crowded House a d�
emprunter du mat�riel sur
place, son camion �tant rest�
coinc� en France : mais celui-ci
est meilleur que le n�tre,

plaisantait le batteur, pendant
le chanteur pestait sur sa
guitare mal accord�e

Bryan m�galo ? Ordre du
troubadour de Robin des Bois :
personne dans l'avant-sc�ne
pendant son passage. Quant
aux photographes, autorisation
de travailler seulement pendant
les 5� et 6� morceaux...

Les 50 piges de Lou Reed lui
feraient-ils perdre la m�moire ?
Il chantait en tout cas, posant
r�guli�rement un oeil sur sa
farde de textes, pos�e sur un
lutrin, � cot� de son micro, et
dont il tournait sans honte les
pages, apr�s chaque chanson.

Human surfing, ce pourrait
�tre le nom de ce nouveau sport
de masse qui a fait fureur �
Torhout, pendant les groupes
" chauds " : des enrag�s boueux
et � moiti� nus se lancent par-
dessus les t�tes, se laissant
transporter ensuite par des
milliers de mains, avant d'�tre
d�vers�s, poisseux et incongrus
comme des d�chets industriels
sur une plage bretonne, au pied
de la sc�ne. L�, quelques
cerb�res les accueillent � bras
ouverts, les ram�nent dare-dare
dans leur prairies, d'o� ils
repr�parent une nouvelle vague
d'invasion...

Ph.C.


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